18.
Je suis allée en Belgique la semaine dernière. En fait pour être
précise, cela fait une semaine que je suis sur les routes. Ça colle
assez bien avec ma vie, d'être sur les routes. Mais en rentrant de
Charleville-Mézières, en passant par la Belgique, en réalisant que
j'étais à quelques kilomètres seulement de la vie que j'aurais pu
avoir, j'ai eu envie de rentrer chez moi.
Je me suis sentie lasse, fatiguée, raide, et triste.
J'ai imaginé la fille que j'aurais été sur la même route, le week-end
que j'aurais passé, les choses que j'aurais faites et vues, et celles
que je n'aurais pas faites et vues.
J'ai imaginé nous deux dans sa voiture sur ces routes. Comme nous
l'avons été si souvent. Moi contente et souriant eux anges en le
regardant, et lui toujours angoissé de nature, moi angoissant de le
voir angoissé, lui énervé de voir ma sollicitude, moi désespérée de le
voir insatisfait, lui...
C'était un beau voyage.
Mais quand j'ai vu le panneau: "Bienvenue en France"... Et quand j'ai
vu celui de: "Département du Nord" plus encore... Mon cœur s'est
serré.
J
e suis chez moi, ici.
Il connaissait peut-être mieux ici que moi
avant. Maintenant c'est chez-moi. Je l'ai laissé loin quand ma voiture
a pris la bifurcation. Qu'il y reste.
Parce que j'ai beau dire, se faire larguer n'a pas été le plus
difficile. C'est se faire déposséder qui l'a été. J'ai détesté cette
ville parce qu'elle était à lui. J'ai détesté ma vie parce qu'il
l'avait choisie pour moi. J'ai détesté toutes mes découvertes parce
que je me disais qu'il connaissait tout cela.
Aujourd'hui, je suis chez moi.