292.

Ma grand-mère se meurt.
Rien de plus banal, n'est-ce pas, qu'une vieille dame qui passe à trépas, et tout le monde voit ses aïeux partir, c'ets dans l'ordre des choses.
Cela faisait quelques mois que ça n'allait pas bien, et je suis venue de l'autre bout de la France fêter Pâques avec eux, les grands-parents.
Cela fait quelques semaines que je redoute les coups de fil et que nous communiquons plus par mail avec la famille, pour nous rassurer.
Et aujourd'hui alors que je déjeunais avec des amis, j'ai eu le coup de fil redouté.
Je ne sais pas trop bien ce qu'il faut faire dans ces cas là, je suis en fin de contrat avec ma boîte et c'était mon dernier week end paisible, comme une respiration avant l'aventure non-stop. Je n'ai pas le droit de prendre des congés et j'ai des missions à mener à bien la semaine prochaine. En fait tous les jours que Dieu fait sont remplis à bloc pour moi.
Alors j'ai hasardé un: je viens la semaine prochaine.
Silence au bout du fil.
Il faut que je vienne tout de suite, là.
Avant, il faut que j'envoie un mail à ma sœur qui est en Australie, qui avait avancé son retour mais qui va arriver trop tard. Maman n'a pas le courage.

Cela fait une heure que ma tristesse se manifeste physiquement c'est très étrange. Je pleure je sanglote, et ma tête et très opérationnelle, prépare mon sac regarde les horaires envoie le mail met des trucs au congélateur.
Je ne peux pas dire que je me sente triste. Mais mon corps lui si. On dirait les animaux qui pleurent les leurs, je crois que ça doit être un truc comme ça.

J. avec qui je vais bosser bientôt, m'a dit qu'il était curieux de voir ma vie au quotidien, parce que quand je la lui racontais il avait l'impression d'un synopsis de film, et qu'il était pendu à mes lèvres pour savoir la suite.
C'est vrai que là maintenant, on dirait ça. Il y aura une scène de 5 heures où j'écouterais de la musique en regardant le paysage défiler par la fenêtre du train. Il y aura la descente du train, tard dans la nuit, avec les retrouvailles mitigées, la situation que l'on évoque à demi-mot. Il y aura l'en-cas sur le pouce dans la maison endormie, avec quelques cousins, où on se raconte les dernières nouvelles de chacun et des autres. La réticence à aller se coucher, mes sœurs et moi dans la même chambre parlant dans le noir.
Et le lendemain, l'enjouement forcé de toute ma génération pour soutenir la génération précédente.

Alors, non, je n'ai pas réfléchi à venir ou non. Oui, ça me met dans le caca. Mais demain est demain, on verra bien.